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Souvenirs d'aujourd'hui - Chapitre 4


Jour 4

Jour 1.

            Ce qui m’arrive est très étrange. Il semblerait que je sois chez moi. Un bel appartement décoré dans des tons pastel, de façon très féminine, clair et propre. J’imagine qu’il est à mon image. Le hic, c’est que je ne sais pas qui je suis.

            Quand j’ai voulu inscrire la date sur ce ravissant petit journal que j’ai trouvé posé sur la table du salon, je n’ai pas su la trouver.

            J’étais là, assise bien droite à la petite table ronde impeccablement vernie, ornée d’un vase en cristal plein de fleurs fraîches et odorantes. Je portais une jupe évasée s’arrêtant sagement en-dessous du genou, que j’avais pris soin de lisser sous moi avant de m’asseoir, afin de ne faire aucun faux-pli. Une espèce d’automatisme auquel je n’avais même pas consciemment songé.

            Je me suis naturellement dit que j’étais chez moi, et que j’avais pour habitude d’écrire dans ce carnet. Et comme une évidence, je l’ai ouvert et j’ai voulu écrire. Commencer par la date, le reste suivrait bien.

            Seulement voilà : je ne sais pas quel jour on est. Et aussi étrange que ça puisse paraître, c’est seulement en réalisant cela que je prends conscience de tout ce que j’ignore d’autre. Mon nom, mon âge, mon métier, ma situation à tout point de vue, tout.

            Pas d’affolement. Je suis en sécurité chez moi, la porte est fermée à clé, j’ai vérifié. Il y a forcément une explication à tout ceci. Je vais faire le tour de mon appartement pour la trouver. A défaut, je mettrai bien la main sur le numéro d’une personne à appeler en cas d’urgence. Ou de mon médecin.

 

———

 

            Je suis de plus en plus perplexe. Je n’ai pu mettre la main sur rien. Mon sac à main est introuvable. J’ai forcément un sac à main, n’est-ce pas ? Toutes les femmes ont des sacs à main. Sauf moi, apparemment…

            Je n’ai pas non plus trouvé de dossiers, d’archives ou même de boîte de souvenirs contenant le moindre papier susceptible de porter mon nom, bien que j’ai passé des heures à fouiller le moindre recoin, le moindre placard, le moindre tiroir. Il n’y a pas de photos aux murs, pas de diplôme encadré, rien qui me donne une quelconque indication.

            Est-ce bien mon chez-moi ? Je m’y sens comme à la maison. Je me suis éveillée dans une chambre rangée et propre, dans des draps frais. Le panier de la salle de bains contenait quelques vêtements sales, il y a des produits frais et des bouteilles entamées dans le réfrigérateur. Un bouquet de fleurs fraîchement coupées a été soigneusement déposé dans chaque pièce. Anémones de toutes les couleurs dans le salon, clématites dans la salle de bains,… À chaque endroit le sien. Ce geste ne peut venir que de la maîtresse de maison. Et je suis seule ici.

            J’aurais bien jeté un coup d’œil par la fenêtre, mais les volets sont tirés et je ne trouve pas le bouton pour les ouvrir. La porte est verrouillée, mais je n’ai pas non plus mis la main sur la clé. Je n’ai pas vu d’ordinateur, et encore moins de téléphone. Pas le moindre écran. En revanche, la bibliothèque est bien garnie. Il semblerait que j’affectionne particulièrement les romans d’amour.

            La situation est quelque peu angoissante, je dois bien le reconnaître, mais je suis à l’abri, je crois que je ne crains rien tant que je suis ici. Quelqu’un finira par s’inquiéter de mon sort. Paniquer serait la dernière chose à faire. Je vais plutôt me rassasier et lire un de ces (mes) livres pendant que je patiente.

            Tout va bien aller. On va me trouver et me soigner, il faut que je reste positive.