· 

Souvenirs d'aujourd'hui - Chapitre 6


Rapport n°1

            X2 est dans nos locaux depuis maintenant une semaine.

Contrairement à ce que les simulations prévisionnelles avaient montré, elle fait assez facilement la démarche d’écrire dans le journal que nous avons prévu à cet effet. La méfiance induite par la présence saugrenue d’un tel objet est compensée par l’absence de connaissances, de souvenirs à protéger.

            Elle n’écrit pas tous les jours. Toutefois, environ 70% des journées commencent ou terminent par un processus d’écriture, ce qui est bien au-delà de nos espérances. Il convient de se féliciter de ce choix de média.

            Il est également à noter que l’angoisse qui se déclenche inévitablement à son réveil chaque jour semble être moins liée à sa perte de mémoire que nous le soupçonnions. En effet, la part d’anxiété générée par un environnement stressant est plus importante que prévue.

            Et par symétrie, un contexte apaisant la rassure suffisamment pour que l’amnésie, tout en restant anxiogène, soit supportable et lui permette de garder toute sa raison.

            En l’absence de stimulation ou d’occupation autre, toute l’attention se focalise sur la recherche du passé, d’informations, de souvenirs. Et ce, même en environnement sécurisant. A contrario, le jour des clés la réflexion sur la mémoire et les souvenirs semble être passée au second plan. La priorité étant de trouver un moyen de sortir.

            Il convient cependant de garder une certaine prudence sur l’analyse de cet épisode, car X2 a très peu écrit, et seulement en toute fin de journée, terrassée par l’épuisement.

            Une crainte avait été exprimée lors de la dernière réunion quant à des pulsions suicidaires qu’elle pourrait développer. Pour le moment il n’en a rien été. Bien entendu c’est un risque quant auquel nous sommes particulièrement vigilants. Nous continuerons d’exercer une surveillance pointue sur ce sujet.

            Pour le moment l’épisode qui semble avoir plongé X2 dans l’état le plus extrême est celui du cagibi. L’attaque de panique a été violente et brutale. X2 en a ressenti des symptômes physiques, et a même cru être en train de décéder. Nous nous tenions prêts à intervenir, ce qui ne fut finalement pas nécessaire.

            Deux éléments ont été déterminants dans cet épisode anxieux. D’abord : la taille de la pièce, très exiguë. L’impossibilité d’écarter les bras, de marcher, et même tout simplement de se tenir debout. Le fauteuil que nous avions ajouté prenait quasiment tout l’espace.

            Le second aspect qui semble avoir été le plus terrible était le manque d’un lieu d’aisance. Malgré le caractère totalement vierge de sa mémoire, y compris au niveau de sa personnalité, il est à noter que X2 conserve des éléments de dignité basique qui la poussent à s’offusquer de n’avoir pas droit à certains égards.

            Cette caractéristique particulièrement intéressante pourra éventuellement être approfondie dans les prochaines mises en situation.

 

            En conclusion, le conseil recommande la poursuite de l’expérience et l’application des prochains protocoles prévus, avec maintien de la surveillance rapprochée pour le moment.

 

FIN DE RAPPORT

Écrire commentaire

Commentaires: 0