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Souvenirs d'aujourd'hui - Chapitre 1


Jour 1

Jour 1. 

 

            Ceci est mon journal. Au moment où j’écris, je crois que ça fait plusieurs heures que je me suis réveillée dans cette grande pièce vide. Mais ça pourrait aussi bien faire quelques minutes. Je n’ai aucun moyen de le savoir.

            Les murs de pierre sont nus et sales. Il fait sombre et la seule lumière dont je dispose est une faible ampoule grésillant au plafond. Je ne saurais même pas dire si c’est le jour ou la nuit. Tout ce qui se trouve ici, c’est ce carnet neuf et un stylo. Et un W.-C. dans le fond. La porte est fermée à clef. Le genre de porte qu’on ne fait pas sauter d’un coup de pied.

            Si j’écris « Jour 1 », c’est parce que je ne peux pas écrire la date d’aujourd’hui. Je suis incapable de dire quel jour on est. Je ne sais même pas en quelle année on est. Je ne me rappelle pas mon nom. Je ne sais pas ce que je fais là.

La seule chose que je puisse faire, c’est écrire. J’ai attendu un long ( ?) moment avant de me décider à le faire, parce que je sentais bien que c’était ce qu’on attendait de moi. Mais le temps passe lentement dans une pièce vide sans fenêtre, quand on n’a plus le moindre souvenir de quoique ce soit. Et après tout : qu’est ce que je pourrais trahir ? Ma tête est totalement vide de tout.

           La première chose qui m’est venue, que mon cerveau a conçue, c’est une profonde angoisse. Puis les questions ont afflué, se bousculant, se percutant les unes les autres. Qui suis-je ? Pourquoi suis-je enfermée ici ? Ai-je été kidnappée ? Ai-je subi un traumatisme crânien ou quoique ce soit qui justifie que j’ai tout oublié ? Quel est mon nom ? À quoi je ressemble ? Il n’y a même pas un foutu miroir dans lequel je pourrais découvrir au moins mon visage.

           J’essaye de me calmer mais la terreur me remplit jusqu’au bout des ongles. Je sens la folie planer quelque part au sommet de mon crâne, attendant tranquillement de m’engloutir.

           J’ai appelé à l’aide, tambouriné sur la porte, hurlé. Tout ce que j’ai eu en réponse c’est un profond silence. Dans un coin sombre de la pièce j’ai trouvé un petit sachet en papier. Je ne l’avais pas vu tout de suite, la pièce est très grande — à vue de nez ça doit bien faire dans les 50 m² — et je n’avais pas jugé utile d’en faire le tour. Il contenait un reste de sandwich et une bouteille d’eau à moitié vide.             Est-ce que quelqu’un a laissé ça pour moi ? Les ai-je moi-même entamés sans en avoir gardé le souvenir ?

J’ai bu et mangé. J’avais faim mais surtout soif. Ça a apaisé un peu mon esprit. Je crois que j’ai momentanément éloigné la folie. Mais c’est pour mieux laisser place au désespoir. Comment vais-je sortir d’ici ? Depuis combien de temps y suis-je ? Est-ce que quelqu’un me cherche ?

           Même si c’était le cas, je ne peux plus rien faire d’ici. J’ai absolument tout tenté. Mon salut ne pourra venir que de l’extérieur.

            Je n’ai plus qu’à prier. Je ne sais même pas si je suis croyante. Je vais prier quand même. Ça n’empirera pas ma situation. Je n’ai rien à perdre.

 

            Est-ce que j’ai des enfants ?

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